Amy et le coquillage magique [ suite ]
Ma grand-mère, Mamie Ariane, est morte dans un stupide accident de voiture. Elle avait une voix magnifique de sirène et on l'avait surnommée « la Môme » comme la chanteuse de son époque. Elle aimait conduire en chantant à tue-tête tout en écoutant ses chansons préférées. Un jour qu'elle cherchait une cassette, elle perdit le contrôle de sa voiture, une vieille 2 CV, qui percuta une pile de pont. Le choc fut sans pitié et ma grand-mère y laissa sa vie.
Je l'aimais beaucoup ma grand-mère, il faut dire que j'étais sa seule petite fille.
Mariée très jeune à un vaillant marin pêcheur, mon grand-père Marc, elle avait eu rapidement un seul et unique fils, mon papa. A quarante ans elle s'était retrouvée veuve, mon grand-père ayant péri en mer un jour de tempête en Bretagne. Elle avait continué à vivre, élevant seule mon père...
Du passé elle n'avait gardé que son goût pour le chant et cette merveilleuse voix.
Le temps passant, mon père s'était marié et m'avait eue, puis mon frère.
Quand j'allais chez Mamie Ariane à Trébeurden, elle me prenait régulièrement sur ses genoux et me racontait des histoires de fées qu'elle ponctuait toujours de chants mélodieux. Avec elle, les héroïnes des contes avaient une voix, une âme, j'étais son « amour de vieillesse » comme elle me le disait souvent.
Bien que mon père fût son seul héritier, ma grand-mère avait tout de même écrit une espèce de testament, une lettre qui m'était adressée, à moi et à moi seule. Papa était furieux.
Juste un testament, un testament un peu spécial, juste une lettre qui ignorait toute la famille car elle ne s'adressait qu'à moi. Papa retournait la lettre dans ses mains nerveusement. Mon frère de huit ans, furieux de ne pas être lui aussi le destinataire, l'arracha des mains de mon père.
- T'as qu'à le recoller ton testament, voilà ce que j'en fais ! Et il s'enfuit en déchirant la lettre en mille morceaux qu'il semait dans le couloir comme le Petit Poucet ses cailloux.
- Arrête ! Papa, fais quelque chose !
- Qu'est ce que tu as fait, Goulven ?
Papa m'aida à rassembler les fragments de ce qui restait des derniers mots de ma grand-mère. C'était ma lettre et, coûte que coûte, j'allais recoller les morceaux. Elle était dans un état pitoyable, mais j'entrepris sa restauration. Comme pour un puzzle je cherchais les côtés et les angles. Heureusement ma grand-mère avait une jolie écriture et formait bien ses lettres au stylo plume.
Au fur et à mesure que je plaçais les morceaux, le texte se recomposait et commençait à prendre du sens. Au bout d'un long moment, ma patience fut récompensée et je pus enfin lire la lettre :
Bonjour Amy,
Au départ, tu ne vas pas me croire, mais je suis une fée. Plus précisément la fée de la voix. Celle qui peut enlaidir ou embellir, la voix des gens ainsi que la mienne. J'ai une mission pour toi. J'ai égaré mon coquillage, tu sais, le gros que tu aimais tant et au creux duquel tu collais ton oreille pour écouter la mer, celui où je cachais toutes les voix que j'ai capturées. S’il tombait entre de mauvaises mains, je ne me le pardonnerais pas. La dernière fois que je l'avais, c'était à Trébeurden. Arrange-toi pour y aller.
Bonne chance.
La Môme.
Cette lettre ne m'étonnait pas, j'avais toujours deviné que ma grand-mère n'était pas une grand-mère ordinaire. En fait je savais que c'était une fée, tout était toujours plus beau avec elle lorsqu'elle faisait vibrer sa voix comme une baguette magique.
Cette année c'était à moi de choisir le lieu des vacances, j'en ai profité pour choisir Trébeurden. Je comptais bien retrouver le coquillage de la Môme.
La plage de Trébeurden est belle, surtout au coucher du soleil à marée basse. D'abord de gros rochers d'un rose orangé aux étranges formes qui invitent à la promenade sur le sable fin nacré de débris de coquillages, puis une mer transparente hésitant entre le bleu et le vert. Les eaux calmes de Trébeurden permettent de pratiquer des activités nautiques, comme la plongée ou la voile. Par beau temps un marchand de glace y pousse sa carriole en agitant une clochette qui invite petits et grands à se régaler.
La maison de Trébeurden fait face à la mer. C'est une vraie maison bretonne, trapue, aux solides murs de granit rose, surmontée d'un toit d'ardoises grises percé de deux chiens assis. Les fenêtres, protégées par des volets, s'ouvrent sur le jardin où foisonnent les hortensias bleus et roses et où jaillissent les agapanthes.
Passé la barrière du jardin, une allée mène à une robuste porte de bois de chêne foncé, mouillée par les embruns. Au milieu de cette porte trône un superbe marteau, un anneau de bronze orné d'un coquillage.
La voiture garée, chacun porte son bagage. Papa passe devant parce qu'il a les clefs. La clef a du mal à tourner dans la serrure car elle a besoin d'être graissée. Elle grince comme celle de la maison des sept nains. L'antichambre obscure sent l'humidité.
- Ouvrez vite la fenêtre, les enfants ! dit Papa.
Et le soleil jaillit dans la maison.
Pendant que chacun prend possession de sa chambre, Papa allume vite un petit feu dans la cheminée pour sécher la pièce.
- Moi, je prends la chambre de grand-mère !
- Non, dit Goulven, ma peste de frère, je la veux aussi !
En entendant nos chamailleries, Papa intervient :
- Laisse ta sœur! Que ferais-tu d'une chambre de fille? Prends celle que j'avais quand j'étais petit, là au moins il y a des petites voitures et des bateaux, et non pas des dentelles et des froufrous ! Moi je dormirai dans le salon.
Ouf, enfin seule dans la chambre de grand-mère, je ferme la porte, je ferme les yeux, je respire. Je retrouve le doux parfum de violettes qui flotte dans l'air. Grand-mère aimait ce parfum délicat qu'elle faisait venir de Toulouse. Les meubles fleurent bon la cire d'abeille, je me souviens du temps où j’astiquais avec elle les meubles en noyer, le lit, la table de nuit, la chaise, le bureau et la grande armoire où elle rangeait ses trésors. La chambre donne sur la mer qu'on aperçoit au travers des rideaux de dentelle blanche qu'elle fabriquait avec amour et patience de ses doigts de fée. Pour vivre, ma grand-mère réalisait des chefs d'œuvre de dentelle au fuseau qu'elle vendait dans les foires avec des collages de coquillages et ses fameuses crêpes bretonnes.
En m'allongeant sur le lit moelleux au milieu d'un océan de coussins je plonge dans mes souvenirs : la musique grinçante du vieux phonographe posé sur le bureau au milieu d'une marée de disques, les histoires merveilleuses du vieux livre de contes aux pages jaunies, celui qui lui venait de sa grand-mère à elle. Dans mon esprit, la Belle et la Bête rencontrent Tom Pouce et Poucette pendant que Raiponce se lamente avec la Petite fille aux Allumettes. Et toutes ces voix s'agitent dans ma tête.
En parlant de voix, celle de Papa retentit et me fait sursauter.
- A table ! hurle-t-il.
C'est promis dès ce soir je cherche le coquillage.
Papa nous a préparé des crêpes, enfin quelque chose de ressemblant. Il a utilisé le vieux bilig de sa mère, mais vraiment, il n'est pas doué, pauvre Papa, ses crêpes sont sèches et criblées de grumeaux. On a beau faire semblant, il sait qu'elles sont mauvaises. Au final, on mange les derniers œufs, en omelette. Enfin, la vaisselle faite, il décide de nous raconter une histoire, tous les trois bien serrés sur le canapé. Mais vraiment, ça aussi il le fait à sa manière ! Au bout d'un moment on baille, les personnages ne vivent pas. Ils sont sans voix…
Il est déjà 22 heures et le plus fatigué des trois, c'est mon papa. Aussitôt qu'il disparaît après nous avoir ordonné d'aller au lit, je m'enferme dans la chambre de grand-mère. Enfin seule. Je jette un regard circulaire sur tous les meubles et les murs encombrés d'étagères où sont empilés des cartons, des boîtes. Où chercher le coquillage ?
Mes yeux se posent sur une boîte en carton qui, contrairement aux autres, est ronde. Elle est posée en hauteur, pour l'atteindre j'ai besoin d'une chaise et de me hisser sur la pointe des pieds.
Contre toute attente la boîte est légère. J'y découvre cinq chapeaux, parmi eux un chapeau blanc à voilette et, dans ce dernier, un bouquet de fleurs d'oranger fanées. Je le reconnais, c'est celui que grand-mère portait lors de son mariage et je l'imagine telle qu'elle était, belle et radieuse, comme sur la photographie posée bien en évidence sur la cheminée du salon. Hélas ! Pas de coquillage.
Je ne résiste pas à l'envie d'essayer le chapeau de mariée. Tandis que je me regarde dans le miroir, découvrant à quel point je ressemble à ma grand-mère, je vois surgir, derrière mon reflet, petit frère Goulven…
- Tu fais quoi là ? Tu te prépares pour le carnaval ?
- Sors de ma chambre !
- Ce n'est pas TA chambre ! C'est celle de grand-mère !
On crie de plus en plus fort, au point que Papa monte l'escalier, furibond, et nous regarde en disant :
- C'est pas un peu fini, vos disputes de jeunes mariés ?
C'est là que je m'aperçois que j'ai toujours le magnifique chapeau sur la tête. Nous sommes vexés. Papa a réussi son coup.
La recherche du coquillage commencera vraiment demain.
Après une nuit agitée, je me réveille avec la certitude que le coquillage n'est pas dans la chambre de ma grand-mère.
Ce coquillage, je devrais le repérer facilement car dans mes souvenirs ce n'était pas un coquillage ordinaire. Il venait du Mexique. C'était une conque marine, un gros coquillage couleur sable à l'extérieur et rosé à l'intérieur, enroulé en spirale épineuse. C'était ce coquillage, que les Aztèques utilisaient pour attirer la pluie du dieu Tlaloc en soufflant dedans. Je me souviens que Mamie Ariane l'emportait dans son panier au cours de nombreuses promenades, par tous les temps, sur le chemin des douaniers. C'était une amoureuse de la nature.
Aussitôt mon petit-déjeuner avalé, Papa propose à Goulven d'aller avec lui pêcher à pied, puisque la marée est basse.
Goulven est excité et saute de joie à l'idée de Papa. Celui-ci me fait un clin d'œil complice.
Dans le panier de grand-mère qui sent encore la pomme, il y a les coquillages, les galets, les bois flottés et tant d'autres choses qu'elle ramassait sur la plage lors de ses promenades et qui lui servaient à fabriquer ses « souvenirs de Bretagne ».
Par la fenêtre, je vois le ciel bleu et un soleil d'une rare majesté. Je pourrais me contenter d'un simple short, d'un tee-shirt et d'espadrilles, pourtant je me souviens de la voix de grand-mère : « Fais toujours attention, Amy, ne pars jamais sans ton K-way. Le temps change vite en Bretagne ».
D'ailleurs je vois déjà apparaître un nuage.
L'air est imprégné de cette odeur si bretonne de poisson, de sel et de varech. Les mouettes et les goélands font entendre leurs cris stridents, ils braillent, s'interpellent, se bagarrent pour une carcasse de tourteau ou d'araignée de mer.
Avant de partir, je décide de faire le tour du jardin. Je longe d'abord le mur d'enceinte, attentive à la moindre bosse, mais sans succès. Je ne trouve que de la mousse et des herbes folles. Je me faufile sous les gigantesques massifs d'hortensias bleus et roses, en m'égratignant un peu, et toujours sans succès. Je soulève délicatement les longues feuilles des agapanthes, en prenant soin de ne pas briser les tiges des fleurs fragiles comme du verre.
Persuadée que je ne vais rien trouver dans ce jardin, je prends le chemin des douaniers. Ce chemin qui longe la côte offre une vue splendide sur la mer. J'avance d'un pas léger tout en pensant aux vieilles légendes bretonnes. Peut-être que sous chaque pierre rencontrée se cache un korrigan ? Les korrigans sont, en Bretagne, des esprits prenant l'apparence de nains. Gentils ou méchants, ils peuvent être très gentils ou très méchants. Ils se cachent sous les rochers ou dans les grottes. Qui sait ?
Mon ventre commence à crier famine. Je m'assieds au soleil sur un rocher face à la mer et je sors de mon panier une vieille crêpe pleine de grumeaux de la veille, une pomme et une bouteille d'eau.
J'entends les vagues s'écraser sur la côte, la mer devient soudain houleuse. Le ciel s'obscurcit mais je décide quand même de continuer ma route jusqu'au calvaire breton où m'emmenait ma grand-mère. C'est de ce promontoire qu'elle observait la mer en attendant le retour de la pêche de grand-père, jusqu'au jour où il n'est plus revenu.
Pendant que j'avance prudemment sur le chemin, le vent se lève et souffle en rafales de plus en plus violentes. Le soleil est maintenant complètement caché par les nuages, la mer est démontée, il commence à faire sombre. Les cris des mouettes et des goélands deviennent de plus en plus stridents. Je frissonne, j'allonge le pas. Le vent couche les genêts, je pense à la faux de l'Ankou. Je crois entendre la voix de Mamie Ariane mêlée à celle du vent et de la mer : « L'Ankou vient faucher les morts de l'année suivante avec sa faux à la lame tournée vers l'extérieur, il éloigne de lui les futurs morts ».
Effrayée et sans en avoir conscience, je fais le geste circulaire et majestueux du faucheur. Mais avant d'avoir achevé l'arc de cercle, mon bras s'immobilise pointant le calvaire lui-même.
C'est une petite chapelle dont les murs de granit sont couverts d'ex-voto. Ces objets sans valeur viennent rappeler les malheurs et les prières des habitants. Parmi les bougies, les lettres, les rubans, entre trois médailles, deux photographies et un petit bateau de bois, je découvre le coquillage de ma grand-mère.
Aussitôt je le porte à mon oreille et le monde autour de moi disparaît.
Il n'y a plus d'orage, il n'y a plus de cris d'oiseaux, il n'y a plus que la voix douce, rassurante, envoûtante de ma grand-mère. Elle me raconte « La petite sirène » et sa voix se module selon qu'elle est la petite sirène, le roi, les sœurs ou la sorcière : « Si tu me donnes ta voix, je te donnerai des jambes ».
Lorsque je me réveille de ce charme retrouvé, dehors il fait déjà sombre, la nuit n'est pas loin. Je serre le coquillage tout contre mon cœur et je me dépêche de rentrer.
Après le dîner, Papa fait un grand feu dans la cheminée. Nous nous blottissons sur le canapé devant l'âtre. Il nous propose de nous raconter une histoire comme la veille. Goulven s'écrit :
- Tout mais pas ça !
Alors, je pose contre mon oreille le coquillage, puis je le mets contre l’oreille de Goulven. Il n’entend que le rugissement de l’océan, moi j’entends bien davantage. Le coquillage entre mes mains, je commence : « Il était une fois une petite fille… »
Goulven écoute jusqu'au bout, émerveillé et sans voix.
Quant à Papa, depuis longtemps, comme un enfant, il dort déjà.
Journal d’un adolescent [ suite ]
25 décembre 2007
Depuis quelque temps, j’ai envie de reprendre mon journal parce que je me sens mal. Mes parents se disputent de plus en plus souvent. Je n’arrive pas à comprendre ce qu’il se passe. Ils s’entendaient si bien. Le soir quand ça arrive, je m’enferme dans ma chambre, je me cache sous mon oreiller et je me mets à pleurer. Ma mère me dit des choses étranges. Elle me dit qu’elle va rentrer en Turquie, que c’est meilleur pour sa santé, qu’elle est malheureuse ici, que la France ne lui convient pas, que son pays lui manque trop. C’est vrai qu’elle n’a pas l’air heureuse maman. Quand je rentre du collège le soir, elle est souvent assise à la fenêtre, le regard dans le vide, comme si elle cherchait le soleil, la lumière, la mer, les enfants qui courent dehors...
Mon père lui, il m’explique que maman a besoin d’un peu de vacances. Je ne comprends pas très bien. C’est le plus triste Noël de ma vie. 13 janvier 2008 Tout à l’heure maman est venue me trouver dans ma chambre pour me dire au revoir. Elle venait de pleurer, ça se voyait sur son visage. Elle m’a serré dans ses bras et elle a dit :
- Je pars mon fils chéri, mais je t’aime très fort. Viens m’embrasser.
- Si tu m’aimes si fort, pourquoi tu pars ? Tu vas faire quoi là-bas ? Pourquoi tu ne m’emmènes pas avec toi ? Je suis petit, j’ai besoin de toi.
- Mon chéri, me dit-elle dans sa langue, je ne t’emmène pas avec moi pour le moment parce que je n’ai pas assez d’argent, mais moi je dois partir. Ta grand-mère est au plus mal là-bas, et je ne peux pas supporter de rester ici à ne rien faire. Et puis… la France me rend malade. Mais toi, tu dois rester ici pour aller à l’école. Tu as tes copains ici, et Tekepöy ce n’est pas comme la France, si tu pars, tu ne pourras plus avoir un avenir. Les Kurdes n’ont pas d’avenir en Turquie. Quand tu seras grand, tu comprendras.
- Ne me laisse pas, maman !
Je ne voulais pas la lâcher. Je me suis collé à elle, et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Mais c’était pour elle le moment de partir. Elle m’a dit :
- Prends ce bracelet en or, mon fils, il va t’apporter la chance que je n’ai pas eue. Prends cette photo aussi, c’est toi dans mes bras, quand tu avais quatre ans. N’oublie jamais une chose, mon fils : je reviendrai te chercher.
Ma mère est partie. Pendant un moment, je me suis dit qu’elle était partie chercher une baguette, qu’elle allait revenir, mais elle n’est pas revenue.
Vers dix-neuf heures, papa est venu me voir dans ma chambre. Il était triste lui aussi mais il m’a dit de ne pas pleurer, il m’a dit que maman reviendrait. Après, on est sorti tous les deux. On a encore un peu parlé de maman, il m’a dit que quand je serai un peu plus grand, je pourrai aller la voir très souvent. On s’est fait un Mac Do après. Papa sait que j’adore ça ! Ça me remonte toujours un peu le moral de croquer à pleines dents ces gros hamburgers. 2 février 2008 Maman me manque. J’attends de ses nouvelles : un appel ? Une lettre ? Le temps me semble long. 21 février 2008 Papa m’a parlé de déménagement aujourd’hui. Il veut vendre la maison pour acheter un appartement plus petit à côté de Paris. Il me dit qu’il ne veut plus payer si cher notre grande maison et préfère se rapprocher de Paris où il travaille tous les jours. Je pense que la vraie raison c’est qu’il a vraiment besoin d’argent. Je l’avais déjà entendu parler de dettes à rembourser avec maman.
Je vois bien que papa essaie de ne pas me faire de la peine avec ce déménagement, qu’il essaie de m’y préparer, mais c’est raté. J’ai peur que si l’on change d’adresse, si l’on change de numéro de téléphone, maman ne puisse plus nous joindre.
17 avril 2008
J’ai vraiment du mal à dormir en ce moment. Du coup, en cours, je n’arrive pas à suivre. Mon cerveau ne peut pas s’intéresser à ce que le prof raconte, je ne comprends plus et je suis de plus en plus triste. Ça fait longtemps que je n’ai pas ri. 30 juin 2008 Ça y est. Demain, je pars, je quitte cette campagne que je connais si bien, je quitte mes amis d’école, et je quitte cet endroit où j’ai vécu heureux entre mes deux parents. Il faut que je sois fort. C’est mieux pour mon père. Il a attendu les grandes vacances pour que je puisse finir ma cinquième. La quatrième va être pour moi le commencement d’une nouvelle vie.
J’ai toujours la voix de maman dans la tête. Maman, où es-tu ? Ne m’abandonne pas. 6 juillet 2008 Notre nouvel appartement se trouve en banlieue parisienne : c’est un appartement tout petit. Papa a vendu la maison à un prix raisonnable, mais il a tenu à rembourser rapidement ses dettes, du coup chez nous, ce n’est pas Byzance ! Il y a un petit salon, une petite chambre à coucher, des toilettes avec la douche à côté et un couloir, dans lequel deux personnes ne peuvent même pas se croiser. La chambre est pour moi, papa dort sur le canapé-lit. Les murs de ma chambre sont peints en bleu. J’accroche bien vite tous mes posters de footballeurs partout, je réinstalle mon ordi, mais il va falloir que je sois patient pour la connexion internet. Ça met au moins un mois à arriver ces choses-là. Dans le salon, je m’installe un coin console et jeux vidéos près de la télé. Mon père est très cool. Il me cède tout, il veut que je me sente bien, mais c’est difficile. On parle peu tous les deux, je ne suis pas très bavard. Maman me manque.
Dans le couloir, on a mis des photos de famille et des peintures. Dans le salon, les murs sont blancs, un canapé et deux fauteuils noirs sont installés autour d’une table basse, elle-même posée sur un tapis blanc. La cuisine est très petite elle aussi, il n’y a que le strict nécessaire : une table pour trois personnes, une gazinière et un réfrigérateur. 15 août 2008 Le temps passe. Papa et moi nous habituons peu à peu à notre nouvelle vie. J’emmène nos vêtements à la laverie chaque week-end et de temps en temps, on va jouer au foot quand il n’est pas trop fatigué. Il y a un stade de foot juste au pied de l’immeuble. Ça c’est génial. Il a rencontré quelques uns des garçons du quartier qui traînent au stade. Je serai dans leur collège à la rentrée. 3 septembre 2008 Aujourd’hui, c’était la rentrée des classes. Je suis arrivé en retard. J’ai eu tellement de mal à m’endormir la veille que je n’ai pas réussi à me lever. J’étais le seul évidemment. J’ai eu trop la honte car tout le monde me regardait. A 10h20, la cour de récréation était remplie. J’avais peur, je ne connaissais personne. Certains élèves m’ont regardé bizarrement, ils ont chuchoté des choses derrière mon dos. Les profs, eux, étaient plutôt gentils et ils expliquaient bien. 2 octobre 2008 Papa me saoule. Ça fait une semaine qu’il me dit qu’il a quelque chose d’important à me dire et qu’il ne me dit rien. 15 octobre 2008 Finalement j’aurais préféré ne jamais savoir. Mon père a rencontré une nouvelle femme. Il veut me la présenter vendredi soir. Elle est, paraît-il, ravie de faire ma connaissance. Elle s’appelle Julia, elle a vingt-cinq ans. Ils se sont rencontrés par hasard dans une cafétéria. Ils ont commandé à manger chacun de leur côté. Puis comme ils étaient seuls à leur table, ils ont commencé à discuter ensemble. Et ils se sont revus ainsi toutes les semaines. 19 octobre 2008 J’ai vécu la pire soirée de ma vie. Mon père a choisi aujourd’hui, ce vendredi, ce soir précisément pour me présenter Julia. Il le savait pourtant qu’il y avait un grand match de ligue 1 à la télé ! D’habitude, c’est sacré pour nous la Ligue 1. Maman nous aurait laissé regarder…
Julia est une femme blonde, aux yeux bleu-vert. Elle est grande, mince. Elle portait une robe noire et des grosses boucles d’oreilles. Qu’est-ce que mon père fait avec cette femme ? Elle est l’opposée de maman. Ayse est discrète et réservée, un peu comme moi. Pendant le dîner, Julia s’est penchée en avant pour attraper une part de pizza et j’ai vu un petit tatouage sur son décolleté. Je trouve ça complètement nul. Julia est curieuse, elle m’a posé plein de questions sur mon collège, mes amis, mais ça m’a agacé. Ce n’était pas naturel, pas sincère, et puis je n’ai pas supporté de la voir se coller à mon père tout le temps.
A la fin du repas, Julia m’a demandé de retourner dans ma chambre car elle et Mehmet avaient besoin de se retrouver un peu tous les deux. Ça m’a choqué. Papa n’a rien dit, il m’a trahi. Je le hais. 7 novembre 2008 C’est dur au collège. Je n’ai pas la tête aux cours, ni la tête à faire des efforts pour me faire de nouveaux copains. Je n’arrive pas être à l’aise. Je ne sais pas si c’est moi qui ai un problème ou si ce sont eux le problème. 15 novembre 2008 Jour noir. Papa a eu un accident sur le chantier. Il est dans un état critique. C’est la femme que j’ai eue au téléphone qui me l’a dit. 15 décembre 2008 Cela fait un mois que je n’ai pas écrit dans ce journal. Un mois que j’ai perdu le sourire et l’envie de vivre, un mois que papa est mort.
Le 15 novembre, il s’est rendu sur son chantier comme d’habitude. Il était maçon. Vers dix heures du matin, alors qu’il était en train de visser des vis sur une planche au sixième étage, il est tombé et a fait une chute mortelle. L’entreprise a appelé les pompiers mais arrivé à l’hôpital, c’était trop tard pour le sauver.
Je suis seul au monde. Je ne parle plus à personne, je n’ai plus envie de rien. On m’appelle « le muet » au collège. J’ai besoin d’aide. 22 décembre 2008 Personne n’arrive à joindre ma mère en Turquie. Elle ne sait même pas que son mari est mort et que je suis seul, abandonné. En attendant que l’on retrouve les traces de ma mère, Julia s’est proposée pour être ma responsable légale. La justice m’a confié à elle provisoirement, elle a pensé que c’était le mieux pour moi en attendant de reprendre contact avec ma famille en Turquie. Je ne sais pas bien pourquoi Julia fait ça. En tout cas, ce que je vois, c’est qu’elle profite de l’appartement sans rien payer. C’est l’assurance vie de papa qui paye le loyer. Je devrais la remercier pour ce qu’elle fait, mais j’ai du mal. Je ne la sens pas cette femme. 10 janvier 2009 J’ai la rage. Ce soir, en rentrant de l’école, dans ma chambre, tous mes posters avaient disparu. Je les ai cherchés partout en vain, puis j’ai attendu le retour de Julia. Elle m’a dit :
- Il y a quelque chose qui ne va pas ?
Je n’ai pas répondu.
- C’est moi qui ai arraché tes posters.
J’ai gardé une nouvelle fois le silence.
- Je n’aime pas les footballeurs que tu as choisis, et puis c’est agressif tous ces posters dans la pièce.
Je n’ai rien dit. Elle est partie sans rien ajouter. Je suis dégoûté. Elle les a sûrement jetés à la poubelle. Les posters de mes stars, je ne les reverrai jamais. Je ne veux pas pleurer devant cette mauvaise femme, je ne veux pas être faible, mais j’ai la gorge serrée, je crois même que je n’arriverai plus jamais à parler.
7 février 2009
Julia ne m’adresse la parole que pour me parler de l’organisation de l’appartement : « Demain tu iras faire les courses », « ce week-end, tu pourras laver la cuisine et la salle de bains », « j’ai fait la lessive, mais tu t’occuperas de ton repassage, moi je ne m’en occupe pas, je ne suis pas ta mère. »
Maman, reviens me chercher.
15 février 2009
Aujourd’hui Julia s’est installée dans ma chambre. C’est moi qui dors dans le canapé du salon maintenant. Elle m’a dit que ses horaires allaient changer et que comme j’allais être le premier levé pendant la semaine, c’était à moi de dormir dans le salon.
En déplaçant mes affaires, elle a trouvé le bracelet en or de maman dans le tiroir de mon bureau. Elle m’a demandé à qui il était et quand je lui ai dit, elle a simplement ajouté qu’il était très laid. Je la déteste. 19 février 2009 A l’école c’est l’enfer, à croire que plus j’ai des problèmes personnels, plus elle s’acharne contre moi. On me traite de lèche-bottes, tout ça parce que je suis calme, que je ne dérange jamais les cours, que je n’ai jamais de mots rouges dans le carnet.
Mes origines dérangent aussi. Je suis d’origine turque. Je suis une victime facile, car je ne réponds pas quand on me cherche. Je n’en ai même pas la force. Quand j’arrive en classe, les autres élèves commencent à rire. Je hais les récréations. Aujourd’hui je suis resté planqué sous l’escalier. Je ne veux plus parler, jamais. De toute façon, pour eux, je suis le gars qui ne sait même pas parler français. 13 mars 2009 Aujourd’hui, une nouvelle élève est arrivée dans ma classe. Elle s’appelle Alice. Je n’ai pas encore entendu le son de sa voix. Elle était habillée avec un pull large et une grosse écharpe. 29 mars 2009 Ça fait une semaine qu’Alice est dans notre classe. Elle ne se coiffe jamais, et en cours elle essaie toujours de se faire oublier. Elle me ressemble en fait. Elle a des bonnes notes et les filles sont jalouses d’elle, car elle intrigue certains garçons de la classe, surtout moi. 31 mars 2009 Je hais ma classe. Tout à l’heure, en cours d’E.P.S., dans les vestiaires des filles, une montre a été volée. C’est Alice qu’on a accusée en disant qu’elle était restée seule dans la pièce. Elle s’est défendue. Elle n’a pas été punie mais tout le monde garde des soupçons contre elle, même le professeur d’E.P.S. 3 avril 2009 La fête continue. Je n’ai rien vu, mais je suis sûr et certain que c’est comme ça que ça s’est passé. Aujourd’hui, Laura, la voisine d’Alice en cours de français lui a glissé son portable dans la poche du manteau. Après quelques minutes, cette garce a cherché son portable, interrogé les autres élèves puis le professeur :
- Madame, on m’a volé mon portable !
- Tu es sûre, tu as bien cherché ? répond le professeur.
- Oui, j’ai fouillé partout, je l’avais mis dans ma poche, mais je ne le retrouve pas.
- Qui a le portable de Laura ?
Personne ne répond.
- Ok, tous les élèves cherchent dans leur sac, dit le professeur.
Tous les élèves cherchent et Alice découvre le portable de Laura dans la poche de son manteau.
Tout le monde la regarde. Alice s’écrie :
- Ce n’est pas moi, Madame !
Alice a dû aller s’expliquer avec Laura dans le bureau du C.P.E. Je ne sais pas comment ça s’est passé pour elle. J’ai mal au cœur. Je ne supporte pas tout ça, je sais qu’elle est innocente, mais j’ai tellement pris l’habitude de me taire que je n’ose même pas la défendre. Le silence, c’est ma nouvelle vie. 10 avril 2009 Ça y est, c’est arrivé plus tôt que prévu. J’ai craqué. Ce matin, en cours de S.V.T., Alice était assise à côté de moi. On ne se parlait pas (il faut dire qu’on n’est pas bavard ni l’un ni l’autre), mais on manipulait tranquillement le microscope quand Julien et Guillaume sont arrivés et ont provoqué Alice. Ils lui ont pris sa plaquette de verre et lui ont demandé pourquoi elle n’avait pas mis son vieux pull serpillière aujourd’hui. C’est monté d’un seul coup, je me suis dit : cette fois, je vais leur montrer de quoi je suis capable, cette fois je ne vais pas me laisser faire, cette fois, je vais réagir ! La colère est montée d’un seul coup, je me suis levé brusquement et j’ai crié : ASSEZ ! ASSEZ ! ASSEZ ! ASSEZ ! Tout le monde a dû être choqué. Je lançais des regards noirs. Les garçons nous ont laissés tranquilles et je n’ai pas l’impression qu’ils vont revenir de si tôt. Le prof m’a demandé si ça allait, si je voulais sortir pour me calmer. J’ai été faire un tour pour me rafraîchir puis je suis revenu en classe. Je n’avais même plus peur de leur regard. Je suis revenu la tête haute. J’étais fier. Pour la première fois depuis une éternité, je m’étais délivré de mon silence.
20 avril
Pas le temps d’écrire.
25 avril
Il m’arrive trop de trucs !
10 mai
Toujours pas le temps d’écrire. Adieu Journal !
4 juin 2009
Deux mois déjà que je n’ai pas écrit à mon journal. Comme le temps passe vite. C’est sûrement parce que je n’en ai plus besoin. C’est avec Alice que je parle dorénavant. Depuis ce fameux cours de S.V.T., on ne se quitte plus, on se sent fort ensemble. Ce cri que j’ai lancé m’a libéré. Je n’en pouvais plus de ma souffrance silencieuse, je n’en pouvais plus des moqueries que subissait Alice, je n’en pouvais plus de Julia. Alice a bien senti tout ça chez moi, elle m’a beaucoup parlé et moi aussi je lui ai confié ce que j’avais sur le cœur. Elle m’a sorti de mon silence. J’ai enfin une amie.
6 juin 2009
Alice est épatante. Cette fille est dingue de foot. Elle connaît la vie de Messi par cœur. Hier on a fait un foot, et franchement j’avais du mal à lui prendre la balle. Elle m’a vraiment étonné.
8 juin 2009
Vers 17h00, Alice était dans ma chambre. Elle était sur mon bureau, moi sur le lit, on faisait notre devoir-maison de maths. Julia est entrée et elle a dit :
- Ali et Alice ? C’est une blague ou quoi ? Ridicule. Ali Alice Ali Alice Ali Alice.
Et elle a refermé la porte. Alice m’a dit que cette femme avait vraiment l’air folle.
10 juin 2009
C’est mon anniversaire et aujourd’hui deux miracles ont eu lieu.
J’ai reçu une lettre de maman. Elle est arrivée à l’adresse du collège. J’en étais sûr, maman avait essayé mille fois de me contacter mais avec le changement d’adresse, elle n’avait jamais réussi à me joindre. C’est grâce à mon ancien collège, qu’elle a su le nom de ma nouvelle ville. Maman va rentrer dans un mois. Elle a gagné assez d’argent pour revenir et pour s’occuper de moi en France. Elle dit que son frère nous aidera si on est dans le besoin.
Et le deuxième miracle de la journée vient de se produire. Alice est venue m’apporter un paquet de baklavas. Sur chaque gâteau, il y avait une bougie ! C’est adorable, non ? J’en suis encore tout ému. J’ai eu envie qu’Alice porte le bracelet en or de maman pour l’occasion. Il lui va très bien. Alice avait aussi apporté un DVD de karaoké. Les clips étaient tous nazes, mais on s’est bien marré à chanter dans le micro. A la fin, Alice m’a dit que je chantais vraiment bien et que je devrais participer au concours de la fête de la musique au collège. Alice dit que je vais forcément étonner tout le monde. C’est le 21 juin prochain. Sur le coup je lui ai dit qu’elle était folle, que je ne ferai jamais une chose pareille. Mais depuis son départ… Je n’arrête pas d’y penser… Ça me rappelle les concerts que je faisais à papa et maman assis dans le canapé. Je me souviens, mon micro c’était la chute d’un rouleau de Sopalin. Ils m’applaudissaient. Maman serait vachement fière de me voir sur scène au collège à son retour de Turquie. Et papa, alors ? Il serait super fier aussi. Dis Journal, et si je me lançais ?
La farce de Maxime [ suite ]
Ma mère préfère les montres, rondes, ovales, carrées, rectangulaires, en bracelet, en bague, en pendentif, elle en a une collection impressionnante. Tous les jours ils vérifient que leurs merveilles tournent bien leurs aiguilles. Tous les soirs ils les remontent en tournant des clefs, en tournant des molettes. De temps en temps, l’un des deux s'exclame, la voix paniquée : « Mais c'est horrible, elle a pris une minute de retard » ou « Mais c'est horrible, elle a pris une minute d'avance », ou summum de l'horreur « Elle s'est arrêtée !! »
Moi, je suis le seul à ne pas avoir de montre. Je n'en ai pas et je n'en aurai jamais.
Il y a deux ans, à mon anniversaire, mes parents m'ont offert une montre de poignet, réveil, calculatrice, chronomètre, bref une montre « géniale » ont dit mes parents. J'ai imaginé la jeter par la fenêtre, la revendre, la broyer, elle m'a été tout simplement chapardée à l'école.
Mes parents étaient enragés et ils m'ont prévenu, croyant me punir, qu'ils ne m'en achèteraient plus :
- C'est la première et dernière fois qu'on t'offre une montre !
Pendant qu'ils s'occupent de leurs machines à compter le temps, je tue le mien comme je peux. Il y a les copains, le parc, la rue, l'école. Mes copains, eux, vont au stade de France avec leur père, ils vont au concert à Paris au Zénith écouter leurs chanteurs préférés. Ils vont au cinéma avec leur père et leur mère voir 2010 sur écran géant, ils vont au zoo rugir avec les fauves. Pour moi, rien de tout cela ! Juste : « Maxime, dépêche toi ! »
L'école j'aime bien, j'y apprends des trucs sympas, surtout en histoire, j'aime l'histoire, surtout la période où les montres n'existaient pas, celle où une bougie suffisait à marquer le temps, ou celle où on retournait un sablier. Et puis là, à l'école, il n'y a que la sonnerie qui nous appelle à rentrer en classe ou à sortir en récré. Chic, chic.
2. Drôle de montre
L'autre soir, en sortant de l'étude à 18h30, sans me presser malgré la pluie battante, sur le bord du chemin qui mène à la maison, j'ai vu un truc qui brillait sous un lampadaire (début novembre les lampadaires sont allumés car il fait nuit dès 17h30). Vous ne devinerez jamais ce que c'était : une montre à gousset, vous savez une comme celles qu'on voit dans les films, argentée, ronde qui se balance au bout d'une chaîne. Avec un verre un peu bombé, et celle-là, elle ne faisait pas Tic tac ! J'ai hésité avant de la ramasser, encore une montre, mais je l'ai prise quand même, quand on est fils d'horloger, on ne peut pas s'en empêcher. Celle-là, si je veux, je pourrais la casser, passer mes nerfs dessus, perdre mon temps avec elle. En tous cas, je ne la montrerai pas à mes parents, sinon ils vont jouer au docteur et il n'y en aura plus que pour elle.
Drôle de montre.
Quand je suis rentré, la pendule de l'entrée marquait 18h50, l'heure de la douche. J'ai posé ma montre sur ma table de nuit sous un manga pour qu'on ne la voie pas. Après ça, l'heure de la douche, celle du dîner, celle du coucher.
Dans mon lit, je l'ai prise dans mes mains pour la regarder plus attentivement. Et pour la première fois de ma vie, je l'ai trouvée jolie. Derrière, ça faisait comme un couvercle qui s'ouvre et il y avait des choses écrites, des lettres, un M et un S, peut être les initiales des prénoms de deux amoureux, comme dans les romans d'amour : Maurice et Simone, ou Martin et Suzanne ou, tiens pourquoi pas, Maxime Sauvage, comme moi.
- Maxime il est l'heure d'éteindre la lumière, demain école !
- Bonne nuit, fais de beaux rêves…
De beaux rêves, si vous saviez, allez, je vous raconte.
3. Silence
Je n'avais pas sommeil. Au bout d'un moment, j’ai décidé de rallumer ma lampe de chevet pour lire encore un bout de manga. Je l’ai pris sur la table de nuit et en même temps mes yeux se sont posés sur la montre. Au lieu du livre, je l’ai prise dans mes mains. Curieusement je me suis mis à la tripoter, à la remuer dans tous les sens. Ses aiguilles marquaient 18h40, l'heure à laquelle je l'avais ramassée.
Je n’ai pu résister à l'envie d'ouvrir le verre de montre pour faire avancer ses fines aiguilles dorées et mettre ma montre à la bonne heure : 21h30.
D'un seul coup, le calme a envahi la maison. Un silence inquiétant, étrange, mystérieux comme je n'en avais jamais entendu, sauf lorsque je mets mes oreilles dans l'eau pour échapper au bruit.
Sans réveiller mes parents, je fais le tour des pendules de la maison.
Elles sont toutes arrêtées, les trotteuses sont immobiles.
Je n'y comprends rien.
Je décide de remettre au lendemain ma réparation.
Je prends la montre, je la range telle quelle dans la table de nuit et je m'endors.
Quand j'ouvre les yeux, je crois qu'on est samedi ou dimanche car seuls ces jours-là, mes parents ne viennent pas me réveiller. Or à bien réfléchir, nous sommes mardi.
Normalement à cette époque de l'année, il fait nuit noire quand je me réveille, or là, le jour passe au travers des rideaux.
- Mes parents m'ont oublié ! Encore ces satanées montres qui leur occupent l'esprit !
A pas de loup, je vais vérifier dans leur chambre. Surprise, ils dorment paisiblement. Dans la rue, le bruit continu des voitures qui circulent se fait entendre et les oiseaux chantent timidement.
Tout doucement je m'approche et je les réveille, il est 9h30.
9h30 ! Vite ! Et les ordres reprennent :
- Maxime regarde l'heure !
- Maxime, il est 9h 30 tu es en retard !...
J'avale vite un petit-déjeuner, je regarde le coucou de la cuisine, il marque désespérément 9h30.
Papa regarde partout, toutes les horloges, les montres, rondes, ovales, carrées, rectangulaires, en bracelet, en bague, en pendentif, toutes sont arrêtées à 9h30.
Papa décide d'aller sonner chez le voisin pour savoir quelle heure il est. Il sonne, il sonne, il sonne, déjà parti, non, d'un seul coup la porte s'ouvre sur une tête ébouriffée aux yeux remplis de sommeil.
- Qu'est ce qui se passe ?
- Il se passe que mes montres sont arrêtées.
- Arrêtées, et alors qu'est ce que vous voulez que cela me fasse ?
- Pouvez-vous me dire si les vôtres fonctionnent ?
- Oui, il est 9h30 !
9h30 ! Encore !
4. Tout s’est arrêté
On allume la TV, un bandeau défile : En raison de l'arrêt du temps, nous sommes dans l'impossibilité de programmer nos émissions.
Même chose à la radio : Alerte rouge, le temps s'étant arrêté, il est recommandé aux personnes de ne pas sortir de chez elles.
Deuxième information : Jusqu'à nouvel ordre, écoles, collèges et lycées sont fermés.
Je saute de joie. Jamais une chose pareille n'est arrivée. C'est exceptionnel, des vacances éternelles.
Mes parents décident d'appeler l'horloge parlante : Au troisième top il est 9 heures 30 minutes 0 seconde. Au troisième top il est 9 heures 30 minutes 0 seconde. Au troisième top il est 9 heures 30 minutes 0 seconde. Au troisième top il est 9 heures 30 minutes 0 seconde. Au troisième top il est 9 heures 30 minutes 0 seconde !!!!!!!
Le temps s'est réellement arrêté, mes parents sont terrifiés. Plus rien, plus une montre, plus une pendule ne fonctionne. Le temps est devenu aphone ? Le temps n’a plus de voix ?
Bloqués dans l'appartement, mes parents décident de s'occuper de moi afin que je ne perde pas mon temps. Fractions, divisions, nombres sexagésimaux pour commencer, et ça dure longtemps parce qu'ils adorent les nombres et que moi je ne les aime pas.
- Mais qu'est ce qui te prend, Maxime, concentre-toi, dit mon père d'une voix grinçante.
Je ne réponds pas.
- Allez, courage, dit ma mère d'une voix catastrophée.
Heureusement elle a décidé de me faire réviser la conjugaison, l'histoire, et là, je les épate en leur faisant un exposé sur l’un de mes personnages préférés : Champollion le décrypteur de hiéroglyphes. Puis je les éblouis avec les mots valises. Le mot valise est composé de deux mots. Par exemple, adulte et adolescent, cela donne adulescent : un adulte qui refuse de vieillir.
Malheureusement pour moi, ma faiblesse en maths les détermine encore plus à s'occuper de mon cas. Mais mon ventre gargouille, et la nuit commence à tomber. Quelle heure peut-il bien être ? L'heure d'avoir faim, de faire sa douche, de se laver les dents de se recoucher.
Il fait nuit et il est toujours 9h30. Pour la première fois de ma vie, mes parents ne me disent pas de me dépêcher. Ils me proposent même de faire un Monopoly avant d'aller au lit.
5. C’était mieux avant
Le lendemain matin, grâce à mon horloge interne, mon ventre, j'ouvre les yeux, la lumière du soleil me fait cligner les paupières et me dérange, je me retourne dans mon lit, mon réveil indique : 9h30 !! Toujours 9h30.
Dans la maison, pas de bruit, tout le monde dort. A pas de loup, je me lève, je prépare le plateau du petit-déjeuner de mes parents et je me faufile dans la chambre emportant en plus un scrabble, histoire d'échapper au travail scolaire.
Super, papa est d'accord pour jouer, mais au bout d'un moment je m'aperçois que les mots de papa tournent autour du temps, pire encore, ce sont des mots de sept à huit lettres, autrement dit des scrabbles : Minutes ! Horloge ! Cadrans ! Gousset ! Seconde ! Aiguille !... Papa me bat à plates coutures. En six tours, il n'est pas loin de quatre cents points.
Devant une telle victoire, j'agite le drapeau blanc en signe d'abandon et de respect.
- Et si je t'apprenais le métier de tes grands-pères, ne serait-ce pas plus intéressant ? me demande Papa. Et sans attendre ma réponse, il file chercher une horloge.
En guise de réponse, je prétexte un mal de tête et je disparais dans ma chambre.
Au bout de quelques minutes, enfin, je suppose, on sonne à la porte. C'est Raoul, mon voisin qui veut me parler.
Ce n'est pas spécialement mon copain, mais je l'accueille avec joie, soulagé. Enfin quelqu'un de mon âge !
- Tu viens faire un tour au parc avec moi ? demande Raoul.
- Oui, je demande à mes parents et je te rejoins.
Tandis que nous marchons, tous les deux silencieux, Raoul s’énerve soudain :
- Moi j'en ai marre, j'ai les parents sur le dos toute la journée. Comment c'est, pour toi ?
- Moi pareil, et en plus avec eux je fais du travail scolaire !
- C'est comme les miens, m'en parle pas, ils se prennent pour des profs !
- Tu parles, ils s'occupent de moi comme une nounou et en plus ils veulent m'apprendre le langage des montres.
- Ben ça tombe bien puisque le temps s'est arrêté.
- Ouais, mais ça devient pénible, déjà que j'ai horreur de leurs maudites pendules, si je regarde dans leur ventre, je brise tout. Tout compte fait c'était mieux avant, ils s'occupaient de leurs « petites chéries » et moi ils me laissaient tranquille. Vivement que le temps reparte. Allez, je rentre, ils vont encore me dire que je suis en retard, même sans pendule.
Sur le chemin, je réfléchis. Et si je refermais la montre, et si le temps repartait comme ça, tranquillement, normalement, après tout, avant c'était pas si mal !
Ça y est, c'est décidé, je la referme dès que je rentre.
6. Mes parents retombent en enfance
J'ouvre la porte de l'appartement, prêt à filer dans ma chambre mais qu'est-ce que je vois, qu'est-ce que j'entends ? Papa et maman sont au milieu d'un fouillis de ressorts, des gros, des petits, ils se les lancent en riant et en criant comme des serpentins au moment du carnaval, j'ai très peur qu'ils lancent les rouages, comme des confettis. On dirait deux adulescents !
- Ah, Maxime, viens donc là, on va te montrer les mécanismes des horloges !
- Mais il y en a partout !
- Pas de problème, on va tout retrouver, c'est marrant, non ? C’est comme un grand puzzle.
En fait les pendules ne ressemblent plus à rien, les aiguilles des unes sont sur les autres, elles tournent à l'envers, la sonnerie de l'horloge comtoise fait « coucou coucou », le coucou ne veut plus sortir de sa boîte, bref un véritable massacre. Mes parents ne semblent pas très émus de ce désastre. Ils sont retombés en enfance.
- Tu sais, me dit Papa, c'est une bonne chose que le temps se soit arrêté, ta mère et moi, on a décidé que désormais on n'allait plus nous occuper que de toi, on a été vraiment injustes envers toi en ne consacrant notre temps qu'à nos petites machines. D'ailleurs regarde, désormais nous jouerons tous ensemble à les transformer, comme toi avec tes mots valises.
Au secours ! Il faut faire vite, il faut que le temps reparte. L'idée d'être enfermé avec mes parents pour l'éternité m'est insupportable. L’idée qu’ils ne fassent rien d’autre que de s’occuper de moi est un film d’horreur.
7. Le temps reprend son cours
Je cours dans ma chambre, ouvre mon tiroir et ferme le verre de la montre. Aussitôt, toutes les montres encore entières reprennent leur « tic tac ». La radio annonce la reprise du temps. Mes parents s'immobilisent. Ils écoutent attentivement le retour à la vie des « tic tac » et voient les aiguilles s'affoler et indiquer une nouvelle heure 18h13.
Aussitôt les habitudes reprennent : « Maxime, c'est l'heure, Maxime dépêche toi, il est l'heure de la douche ! »
Je soupire d'un air fatigué. Eux continuent de s'agiter comme avant. Ils ont déjà oublié leur promesse, ils ont retrouvé leurs gestes mécaniques et leur regard ausculte sans cesse les aiguilles des montres. En voyant ma tristesse, ils s'arrêtent enfin, et j'entends ma mère me dire :
- Vite, habille toi, ce soir on sort, pizza et cinéma pour fêter ça !
Et mon père après un temps de réflexion enchaîne :
- Ce soir on donne Alice et les portes du temps à la séance de 21 heures. Nous, le temps on va le prendre avant qu'on ne nous le vole à nouveau.
Je n’en reviens pas et je me précipite dans ma chambre.
Ma mère y entre au moment où, habillé de mon sweat jaune soleil, je m’apprête à écraser sous mon talon la montre à gousset, pour en finir avec cette histoire.
- Qu'est ce que tu fais là? Fais voir ! Eloi ! (C'est mon père, il porte le prénom du saint patron des horlogers !) Viens voir on dirait la montre du vieil oncle Saime Montemps, tu sais le frère de ton arrière grand-père, le farceur de la famille.
Mon père accourt et entre dans ma chambre à son tour, la chemise encore ouverte et les lacets de ses chaussures défaits.
- Comment se fait-il qu'elle soit dans ta chambre ?
Alors je raconte tout : la trouvaille dans le parc, l'arrêt du temps, sa reprise, prêt à me faire massacrer par mes parents, mais au lieu de cela ils écarquillent les yeux, subjugués par mon récit.
- Donne-la moi, dit maman d'un air coquin, quand on voudra s'amuser on l'ouvrira.
Depuis, régulièrement, on l'ouvre en rigolant, contents de faire une bonne blague au monde. D'ailleurs vous avez remarqué que souvent votre montre ou votre pendule s'arrête !
Au troisième top il sera exactement 10 heures 10 minutes 10 secondes. Au troisième top il sera exactement 10 heures 10 minutes 10 secondes. Au troisième top il sera exactement 10 heures 10 minutes 10 secondes. Au troisième top il sera exactement 10 h 10 minutes 10 secondes…
Ah ! J'oubliais, mes parents m'ont offert une de leurs montres puzzle, moi je l'appelle une montre valise. C'est une coutoise, un mélange de coucou et d'horloge comtoise. Elle marche à sa manière, les aiguilles tournent à l'envers !

Karin SERRES
Après une formation de décoratrice scénographe à l'ENSATT, elle conçoit décors et costumes, met en scène et continue de dessiner affiches et illustrations. Auteure, elle a écrit une quarantaine de pièces de théâtre dont la moitié est destinée au jeune public, et publiée dans la collection Théâtre dirigée par Brigitte Smadja à L’école des loisirs : Un tigre dans le crâne, Colza, Thomas Hawq, Dans la forêt profonde... Elle écrit aussi pour la radio, France-Culture et France-Inter, des fictions pour adultes ou tout public comme Chambre froide, Oscar ô mon carrosse, Olé Rosita !, La Chose dans la poubelle... Avec Françoise Pillet et Dominique Paquet, elle a fondé le collectif Coq Cig Gru, pour une approche exigeante et ludique de l'écriture en direction du jeune public. Louise / les ours (L’Ecole des loisirs, 2006) a été sélectionnée pour le dernier tour du Grand Prix de littérature dramatique 2007. Créée en mars 2008 par Patrice Douchet au Théâtre de la Tête Noire à Saran, elle est reprise en mai au Théâtre de l’Est Parisien. L’adaptation de Mongol (L’Ecole des loisirs, coll. Neuf, 2003), sera créée à Dax en mars 2011, par Pascale Daniel-Lacombe, et présentée au TEP en mai 2011 dans le cadre de 1.2.3. théâtre ! Pour les 8-10 ans, de ux petits romans àne pas manquer : Pourquoi tu cours (2009) et Tricot d’amour (2010) aux éditions du Rouergue, coll. Zig Zag. A paraître en novembre 2010, à L’Ecole des loisirs, Frigomonde…
www.karinserres.com
Céline VACHER
Céline a été formée à l’Université Paris VIII. Elle a travaillé avec Claude Buchvald (L’Odyssée,…la nuit), Claude Merlin (Théâtre de bouche, de Ghérasim Luca), Olivier Coulon-Jablonka (La Décision, de B. Brecht), Simon Falguières (Le Songe d’une nuit d’été, de Shakespeare, Les douze et une stations de la vie de Jean, de Simon Falguières) et Christian Paccoud (L'Eloge du réel, de Novarina). Elle participe au projet AUBE, festival pluridisciplinaire itinérant et créé le spectacle Cosmogonies avec la compagnie Unikaji à partir du 19 novembre au Centre Culturel Coréen.
Marie-Claire BRACONNEAU
Assistante d’enseignement d’art dramatique, elle est également titulaire d’un CFEM de chant. Interprète, metteure en scène, Marie-Claire conduit les Ateliers Théâtre Ados, des ateliers de pratique théâtrale dans les écoles d’Evry et au Conservatoire à Rayonnement Départemental. Elle a également participé à la fondation de la compagnie l’Alambic à Evry pour laquelle elle a proposé une lecture de Terre Sainte de Mohamed Kacimi en 2008. En août 2011, elle sera en résidence à Beyrouth pour la création de Stabat Mater Furiosa de Jean-Pierre Siméon.
Axel BEAUMONT
Formé à l’école du Studio théâtral Alain de Bock, à l’art de la commedia dell’arte, de l’escrime artistique (avec Carlo Boso), du clown et du mime (avec Laurent Clairet), il enregistre en 2008 pour France Culture Les conséquences du vent de TanguyVielréalisé par Myrron Meerson, joue en 2009 dans La valise de Jaurès de Bruno Fuligni, mis en scène par Jean-Claude Drouot, Les fourberies de Scapin au Théâtre du Gymnase… En 2010 il crée L’Amour Anarchiste, concert poétique autour de Léo Ferré. Il participe très régulièrement à des lectures publiques de contes pour enfants avec la Cie Zibaldoni.
Brigitte SMADJA
Née à Tunis, Brigitte SMADJA a fait Normale Sup. Agrégée de lettres, elle est professeure à Paris. Elle a publié une trentaine de romans et une pièce de théâtre, Bleu, blanc, gris (diffusée sur France Culture en 1999) à l'Ecole des Loisirs où elle fonde et dirige la collection Théâtre, participant de la vitalité de l’écriture contemporaine pour le théâtre jeune public. Derniers tires : Le Jour de la finale, Actes Sud, 2008, et, pour les plus jeunes, Un week-end d'enfer, collection Neuf en poche, l’Ecole des Loisirs, 2009.
Jean-Marie BURUCOA
Formé au Studio 34 chez Philippe Brigaud, il a joué Serge Valletti, Amélie Nothomb, Catherine Anne, Eugène Durif, Marc Soriano… Dans Carton Plein de Serge Valletti, de 2000 à 2004, il a connu tous les publics, du village isolé à la Scène Nationale de Bayonne, en passant par les festivals et les scènes improvisées en extérieur.
Avec L’Amin théâtre en résidence à L’Envol (Viry-Chatillon), il prête sa voix au théâtre jeune public, et y incarne, entre autres, Zeus dans Prométhée, un trou dans les nuages de Marc Soriano, mise en scène Christophe Laluque. En septembre 2009, il a participé de La chaîne du groupe Krivitch sous la houlette de Ludovic Pouzerate. En 2010, il interprète Thésée dans Phèdre de Sénèque, dans une mise en scène de Sylvie Dadoun, au Théâtre du temps. En projet, une création solo pour la Scène Nationale de Bayonne.